Langue, religion et politique

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La semaine dernière dans la Chambre des communes, le Bloc québécois a déposé une motion proposant de remplacer la récitation d’une prière lors de l’ouverture des travaux de la Chambre par un « moment de réflexion ». 

La motion bloquiste affirme que la Chambre respecte les croyances et les non-croyances de l’ensemble des parlementaires ainsi que de la population. Les bloquistes défendent leur attachement au principe de séparation de la religion et de l’État, à la diversité d’opinion et à la liberté de conscience, ainsi que le respect de la laïcité et la neutralité religieuse de l’État.

Il y a certainement des problèmes plus urgents auxquels le comté doit faire face, mais le Bloc se rabat sur ses anciennes tactiques pour présenter au Parlement des questions fondées sur ses croyances fondamentales. La nouvelle entente entre le NPD et les libéraux ne leur donne pas la chance d’avancer leurs politiques, ce qui les oblige à attirer l’attention par d’autres moyens. Cette stratégie correspond bien à ce qui se passe dans la politique provinciale du Québec avec le projet de loi controversé 96. 

L’Assemblée nationale du Québec entre dans la dernière ligne droite avant l’adoption du projet de loi 96 — une loi qui vise à étendre considérablement la capacité de la province à imposer l’utilisation du français dans la vie publique et privée.

Les promoteurs de ce projet de loi le décrivent comme étant un outil essentiel, qui contribuera à préserver le statut du Québec comme l’une des dernières juridictions majoritairement francophones en Amérique du Nord. Néanmoins, les dirigeants autochtones ont déclaré que le projet de loi répondait aux critères de « génocide culturel », car il imposerait le français aux communautés des Premières nations de la province, qui sont majoritairement anglophones. Des groupes de médecins ont averti qu’il « pourrait mettre en danger la vie des gens ou avoir des effets négatifs sur la santé mentale s’il est appliqué ». La semaine dernière, les étudiants des collèges du Québec ont organisé un débrayage massif pour protester contre les restrictions imposées par le projet de loi à l’enseignement en langue anglaise. 

À quelques exceptions près, le projet de loi 96 oblige les médecins à s’adresser à leurs patients en français, même dans les situations où le médecin et le patient se comprendraient mieux dans une autre langue. Certaines institutions bilingues, comme l’Hôpital général juif, sont exemptées. Il en va de même pour les patients qui peuvent prouver qu’ils ont fréquenté une école anglophone au Canada, ou pour les immigrants qui sont arrivés au Québec au cours des six derniers mois. Mais pour tous les autres, toute les communications, du diagnostic du cancer au traitement de la maladie d’Alzheimer, doivent se faire en français.

Si un médecin enfreint les principes de la loi 96, il suffit d’une plainte anonyme à l’Office québécois de la langue française pour que des enquêteurs entrent dans son bureau et commencent à saisir des dossiers sans mandat, y compris des documents médicaux confidentiels. Et dans ce domaine, les médecins ne sont pas seuls: un bon nombre des dispositions décrites ci-dessous s’appuient également sur les pouvoirs élargis de perquisition et de saisie de l’Office québécois de la langue française.

Le projet de loi impose « la francisation » de toute entreprise comptant plus de 25 employés, ce qui signifie que les entreprises devront obtenir un certificat du gouvernement attestant qu’elles fonctionnent principalement en français. On estime que 20 000 entreprises seront concernées par la nouvelle réglementation, selon les chiffres du gouvernement provincial.

Les communautés autochtones du Québec n’ont généralement pas le français comme première langue. Le territoire mohawk de Kahnawake, à l’extérieur de Montréal, fait partie d’un conseil mohawk qui compte de nombreux membres anglophones aux États-Unis. Les communautés inuites et cries des régions arctiques de la province n’ont fait partie du Québec qu’en 1912, et les Inuits, en particulier, utilisent encore largement l’inuktitut à la maison, l’anglais étant la deuxième langue habituelle. Pour cette raison, les dirigeants des Premières nations s’opposent particulièrement aux mandats du projet de loi 96 sur les cégeps (les collèges financés par l’État qui sont offerts aux Québécois entre l’école secondaire et l’université).

Les étudiants des cégeps de langue anglaise devront désormais suivre au moins cinq cours en français pour obtenir leur diplôme, ce qui, selon les dirigeants des Premières nations, fera baisser les taux d’obtention de diplômes autochtones déjà faibles. La Haudenosaunee Longhouse, le gouvernement traditionnel mohawk de Kahnawake, a récemment annoncé que: « Nous déclarons que ce projet de loi, s’il est adopté, ne s’appliquera jamais . . . et que notre peuple n’acceptera pas qu’il s’applique à eux, n’importe où sur leurs terres ancestrales ».

Une autre disposition du projet de loi 96 relative à l’éducation prévoit que les cégeps de langue anglaise seront soumis à des quotas descendants quant au nombre d’étudiants qu’ils peuvent accueillir. Les écoles primaires et secondaires de langue anglaise sont actuellement offertes au Québec à un sous-ensemble sélectionné de ce que l’on appelle les « anglophones historiques », c’est-à-dire les anglophones ayant des racines bien établies dans la province. Les nouveaux immigrants au Québec, par exemple, sont déjà tenus de suivre leur scolarité en français, quelle que soit leur langue maternelle.

Mais les étudiants des cégeps ont encore toute latitude pour choisir une école anglaise ou française. Le projet de loi 96 met fin à ce régime; dorénavant, les étudiants des cégeps anglophones ne pourront représenter que 17,5 % du total des admissions dans les cégeps – une mesure qui a été dénoncée par les étudiants francophones qui cherchent à rafraîchir leur anglais avant d’étudier dans une université anglophone au Canada, ou aux États-Unis.

Le Québec tente de préserver sa langue maternelle, mais à quel prix? Ce projet de loi aura des impacts négatifs sur le marché du travail, les étudiants, et les communautés des Premières nations du Québec. Avec la langue et la religion au premier plan des partis nationalistes fédéral et provincial au Québec, et avec l’imminence d’une élection provinciale à l’automne, les deux partis vont devoir faire preuve de prudence. La division entre l’Église, la langue maternelle, et l’État est devenue plus saillante.

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