Le premier ministre Legault a récemment déposé à l’Assemblée nationale le projet de loi 96 – Loi sur la langue officielle et commune du Québec, laquelle apporte de nouvelles règles rigoureuses à la présente loi 101 sur la langue française. Legault est également disposé à invoquer la clause nonobstant pour donner à cette loi le pouvoir de changer la Constitution canadienne, en réaffirmant que le Québec est une nation distincte ayant le français comme seule langue officielle. Pour les personnes qui l’ignorent, la clause nonobstant permet aux législatures provinciales de déroger à certaines parties de la Charte. Ce n’est pas la première fois que le premier ministre Legault invoque cette clause. En fait, il l’a utilisée en 2019 lorsqu’il a introduit la loi controversée portant sur les symboles religieux, afin de protéger la province des contestations judiciaires.
Même si le premier ministre dit ne pas être contre la communauté anglophone, le nouveau projet de loi a été un choc pour de nombreuses communautés de la province, particulièrement à Montréal.
En réponse, le gouvernement de la CAQ soutient qu’il a toujours fait preuve de transparence quant à ses intentions de renforcer la Charte de la langue française, comme indiqué dans les promesses électorales de 2018.
Ce que les changements signifient pour les entreprises
- Le projet de loi 96 ferait essentiellement du français la seule langue nécessaire pour travailler dans la province. Il y a bien sûr des exceptions, mais les entreprises devront expliquer pourquoi leurs employés doivent parler anglais. Par exemple, il sera autorisé d’embaucher des employés qui maîtrisent des langues autres que le français pour des emplois comprenant une interaction avec des clients ou des fournisseurs à l’étranger.
- Le projet de loi entraînerait également la création d’un système de plaintes, d’un ministère de la langue française et d’un poste de commissaire à la langue française. Le commissaire aurait le pouvoir d’enquêter sur les plaintes des employés et du public et estimant que le français n’a pas la priorité par rapport à anglais.
- Les petites et moyennes entreprises seraient également tenues de faire en sorte que le texte français prédomine dans toute signalisation commerciale comprenant des marques de commerce non françaises. Par exemple, les enseignes d’une marque de commerce comme Canadian Tire – devraient aussi avoir des mots comme « centre d’auto » bien en évidence.
- La francisation sera également imposée aux petites entreprises de plus de 25 employés (auparavant, la loi 101 s’appliquait seulement à celles de plus de 49 employés) et aux entreprises à charte fédérale, qui devront offrir des services et de la documentation en français et communiquer en français à l’interne. Le non-respect des lois pourrait également entraîner la suspension ou la révocation des permis.
Implications politiques de ce projet de loi
La plupart des partis politiques du Québec appuient en principe ce projet de loi, mais ils voudront probablement proposer des amendements. Le Quebec Community Groups Network a déjà signalé qu’il exercera des pressions sur le gouvernement afin d’assurer que certaines des modifications constitutionnelles proposées soient jugées purement déclaratoires, n’affecteront pas l’interprétation des droits et auront très peu de signification juridique.
Plusieurs intervenants demandent également au gouvernement fédéral de se pencher sur la juridiction du Québec, à savoir si le Québec a ou non le pouvoir de changer des articles de la Constitution. Trudeau a déjà laissé entendre que le Québec a, techniquement, le pouvoir de modifier certains articles de la Constitution mais qu’il travaillera avec Legault pour s’assurer que les droits de tous les groupes linguistiques minoritaires soient protégés. Trudeau et les libéraux devront néanmoins démontrer qu’ils appuient cette réforme s’ils souhaitent obtenir plus de sièges au Québec en cas d’élection plus tard cette année. Les conservateurs supporteront aussi Legault et son projet de loi provincial, afin d’être perçus comme une option crédible et viable pour les Québécois lors d’une élection.
Quelles sont les prochaines étapes?
Le premier ministre Legault a déclaré lors d’une conférence de presse qu’il n’avait pas l’intention de « passer cette loi au bulldozer ». Il prévoit de vastes consultations publiques, ce qui indique que ce gouvernement n’est pas pressé de faire adopter son projet de loi. En fait, les consultations devraient débuter à l’automne 2021 et pourraient durer plusieurs mois avant que le projet ne devienne loi.
Le gouvernement affirme également qu’une période de grâce de trois ans permettra aux entreprises d’effectuer la transition et de s’adapter à la loi, ajoutant que l’Office québécois de la langue française recevra « les moyens nécessaires » pour fournir le soutien dont les employeurs auront besoin.